NOS ANCÊTRES LOUIS PILET DIT JOLICOEUR
ET THÉRÈSE BARBEAU DIT BOISDORÉ

C'est à bord du «Le François», un vaisseau du Roy, de 4ième rang, armé de 46 canons1 et commandé par le capitaine Nicolas Gédéon de Voutron, que le jeune Louis Pilet arrive à Québec le 23 septembre 17162 avec 190 recrues de fraîche levée dont 20 déjà attribuées à la compagnie de Pierre Rigaud de Vaudreuil-Cavagnal, le fils de Philippe de Rigaud, marquis de Vaudreuil, gouverneur de la Nouvelle-France (1634-1725), et 20 autres à la compagnie du capitaine Amariton3. On ne connaît pas exactement l'âge de notre ancêtre à son arrivée mais par rétro-datage, c'est-à-dire en prenant la date d'un évènement auquel il est associé et son âge donné à ce moment-là, on peut situer son année de naissance soit en 1698 ou 1699 mais plus sûrement en 1698. Le jeune Louis avait donc fort probablement 18 ans au moment de son arrivée. Aux termes de cette traversée de deux mois, Louis est hospitalisé à l'Hôtel-Dieu le 23 septembre pour quelques heures, le temps d'un examen de routine ou il y est inscrit : Du dit Louis pilet agé de 18 ans de paris sotis. Le 1er octobre, on le sait toujours à Québec car il sera de nouveau hospitalisé à l'Hôtel-Dieu, cette fois-ci pour une durée de trois jours. Quelques temps après, lors d'une revue des nouvelles recrues sur la place d'Armes à Québec, Louis est affecté, à une compagnie probablement celle de Jean-Paul Legardeur St-Pierre, reçu capitaine le 1er juillet 1715.

La première trace de Louis Pilet, à titre de soldat des Troupes de la Marine, se situe en autour de 1717-1718. En effet, Louis témoignera alors à Montréal à un procès de soldats accusés d'avoir fabriqué de la fausse monnaie4. Lors de ce procès qui dura plusieurs mois, il se présente encore comme simple soldat et dit appartenir à la compagnie de Saint-Pierre. C'est la première mention connue de son surnom ou nom de guerre «Jolicoeur» On ne connaît pas exactement les premiers lieux d'affectation militaire de Louis Pilet dit Jolicoeur mais si on se fie à la carrière du capitaine St-Pierre, il est fort probable qu'il ait suivi son capitaine au Pays-d'en-Haut, plus précisément à Chagouamigon, (actuellement au Wisconsin) un fort stratégique construit sur la rive sud du Lac Supérieur où le capitaine St-Pierre passera une grande partie de sa carrière de capitaine. Il se pourrait même que Louis Pilet ait participé, dès l'automne 1716, à une expédition à cet endroit en compagnie du capitaine St-Pierre. Celui-ci venait justement de recevoir l'ordre de se rendre à l’extrémité ouest du lac Supérieur pour inviter les indiens «Sauteux» à venir prendre part à un conseil à Montréal. Ce rendez-vous eut lieu finalement en juillet 1718 en présence du gouverneur Vaudreuil5. En dépit de l'éloignement de son poste, le capitaine St-Pierre faisait de fréquentes visites à Montréal qui était alors la porte d'entrée du Pays-d'en-Haut et le haut lieu du commerce des fourrures dans la colonie5. Il n'est donc pas étonnant de retrouver des traces de Louis Pilet dit Jolicoeur dans cette ville lors de ses premières années en sol canadien.

Louis restera au service de monsieur St-Pierre jusqu'à la mort de celui-ci à Chagouamigon à l'hiver 1722-17235. Dans les registres de l'Hôtel-Dieu de Québec, où il sera hospitalisé du 25 au 29 mai 1723, Louis y est inscrit, pour la première fois, à titre de «sergent» de la compagnie du capitaine St-Pierre.

Après le décès du capitaine St-Pierre, Louis se retrouve à Québec sous les ordres du capitaine Pierre-François Rigaud de Vaudreuil, le jeune frère de Pierre Rigaud de Vaudreuil de Cavagnal dont les premières recrues avaient fait la traversée La Rochelle-Québec avec Louis en 1716. C'est sous les ordres du capitaine Rigaud (que l'on désigne ainsi pour le différencier de son frère Vaudreuil-Cavagnal), devenu capitaine en 17246 que celui-ci sert lorsqu'il passe en 1727 un contrat de location pour une «chambre à feu» sur la rue St-Joseph (actuellement la rue Garneau) en vue de son mariage avec Thérèse Barbeau dit Boisdoré7.

Le mariage entre Louis et Thérèse sera célébré sans publication de bans le 19 février 1727 à l'église Notre-Dame de Québec. Thérèse est mineure puisqu'elle n'a que 18 ans alors que Louis a 29 ans. Thérèse Barbeau dit Boisdoré (1709-1747) est la fille de Jean-Baptiste Barbeau dit Boisdoré (1661-1714), aussi connu sous le nom de François-Jean Barbeau dit Boisdoré, et de Marie Denoyon (1671-1750) de la paroisse Sainte-Famille de Boucherville. Elle est la treizième de quinze enfants nés du couple.

Le contrat de mariage sera signé le 18 février 1727 par devant le notaire Jean-Étienne Dubreuil en présence de sa mère Marie Denoyon, du témoin de Louis, le capitaine François Amariton, de son beau-père Daniel Beauregard, de ses beaux-frères Pierre Lamotte et le Sieur Pierre Chaloux ainsi que de deux témoins, Jean Brassard et François Levitre8. Seront également présents le lendemain à leur mariage, célébré par le curé Étienne Boullard, ses compagnons d’armes, les sergents Laurent Deparois et Léonard Saint-Simon. Thérèse, ne sachant écrire, apposera un X au bas du contrat de mariage. Louis, ses témoins et ses amis signeront le document officiel.

Louis et Thérèse auront 12 enfants, tous nés à Québec, dont : Laurent (né 30/08/1727; mort date inconnue), Jean-Louis (né 19/05/1729; mort 4/05/1733), Pierre (né 16/09/1730; mort 2/11/1730), Vincent-Maurice (baptisé 22/01/1733; mort le 5/10/1803); Louise (baptisée 10/12/1734; morte 11/02/1809 ), Antoine (né 19/11/1736; mort date inconnue), Marie-Louise alias Thérèse 1ière (baptisée 28/03/1738; morte 1/12/1811), François-Louis (né 18/02/1740; mort le 15/07/1818), Marie-Anne alias Catherine (baptisée 24/02/1742; morte 19/05/1829), Élisabeth (baptisée 27/11/1744; morte date inconnue), Thérèse 2ième (née 24/05/1746; morte 6/07/1746 et Marie-Madeleine (née 14/11/1747; morte date inconnue).

Après son mariage, Louis reste encore quelques années au service du capitaine Pierre-François Rigaud de Vaudreuil. Mais celui-ci sera très souvent absent de Québec et jouera un rôle effacé dans les Troupes, se préoccupant surtout de son avancement et de ses intérêts6. C'est peut-être pourquoi, on retrouve, en 1735, Louis Pilet au service du capitaine Jean-Baptiste-Nicolas-Roch de Ramezay, promu capitaine depuis 1731. Au cours de ce mandat, il témoignera à Québec au procès de Léonard Dufour dit Prêt à Boire, 60 ans, soldat de la compagnie de Rigaud, accusé du rapt et du viol sur la personne de la jeune Angélique Morin âgée de 6 ans9. En 1742, Louis est toujours à Québec puisqu'il est présent le 27 février de cette année au mariage de Joseph Roy et de Marie-Josephe Chalou (sa nièce), la fille de Pierre Chalou et de Marie Barbeau dit Boisdoré. En avril de la même année, il sera témoin au mariage de Louis Aubry et d’Élizabeth Hubert.

Le recensement de la ville de Québec en 1744 nous apprend que Louis et Thérèse demeurent maintenant avec leurs sept enfants sur la rue Sainte-Anne à Québec. En plus d'être sergent dans les Troupes de la Marine, Louis déclare exercer également le métier de journalier10.

En 1745, alors que les Anglais menacent de prendre la forteresse de Louisbourg, Louis Pilet est dépêché à Rivière-du-Loup, début du long portage menant en Acadie, pour aller porter des ordres. On accorde à Louis Pilet une note de remboursement de 94 livres pour les dépenses encourues lors de ce voyage11.

Louis décède le 1er juin 1747 à l'Hôtel-Dieu de Québec à l'âge de 48 ans après une hospitalisation de 19 jours (12 mai- 1ier juin). Dans le registre des malades de l'Hôtel-Dieu et l'acte de naissance de Madeleine, on mentionne qu'il est rattaché à la compagnie du capitaine Raymond (Raimond), la même compagnie dans laquelle sert son fils Laurent, lui aussi engagé dans les Troupes de la marine12. Il sera inhumé le lendemain dans le cimetière des pauvres, situé dans l'enceinte de cette institution. Son épouse perdra la vie la même année, le 25 novembre 1747, soit 10 jours après la naissance de Marie-Madeleine. Elle avait 40 ans et sera enterrée dans le cimetière des picotés.

On attribuera à notre ancêtre plusieurs prénoms autres que celui de Louis figurant sur son contrat et son acte de mariage. Mais n'ayant pas d'acte de naissance, nous n'avons aucun moyen d'en vérifier l'exactitude. C'est ainsi qu'au baptême de son fils Pierre en 1730, le célébrant désignera le père de l'enfant sous le prénom de François. Lors du recensement de 1744 et à son décès en 1747, il sera désigné sous celui de Louis-Hervé. Finalement, au mariage de Marie-Catherine ou Louise-Catherine, alors qu'il est décédé, on lui accordera le prénom de Laurent. Le nom de Pilet sera, de son côté, orthographié de plusieurs façon dans les registres et archives (Pillet, Pilette).

Tous les descendants de Louis Pilet dit Jolicoeur proviennent du mariage du troisième enfant du couple, soit celui de Vincent-Maurice avec Geneviève Godbout de Saint-Laurent, » Ile-d‘Orléans (1728-1795). À partir du milieu du XIXe siècle, les descendants abandonneront le nom de Pilet dit Jolicoeur pour adopter uniquement le surnom de Jolicoeur.

 

Sources

1 Correspondance du 12 mai 1995 entre René Jolicoeur et Monsieur Philippe Henrat, Conservateur en chef aux Archives nationales de France (en 1991)

2 De Voutron, Nicolas Roch. 1716. Journal du Sieur de Voutron commandant le vaisseau du Roy Le François. Voyage de Larochelle à Québec. 1716. CARAN. 5e division. No 6. Mar4JJ/11.

3 Correspondance du 23 février 1995 entre René Jolicoeur et Monsieur Fardet, Conservateur du Patrimoine au Service national de la Marine de Rochefort.

4 Témoignage de Louis au procès des faussaires à Montréal. Bibliothèque et archives nationales du Québec.

5 Chaput, Donald. Jean-Paul Legardeur de Saint-Pierre. Dictionnaire biographique du Canada.

6 Hamelin, Jean et Jacqueline Roy. François-Pierre de rigaud de vaudreuil. Dictionnaire biographique du Canada.

7 Bail de location d'une chambre à feu sur la rue St-Joseph. Bail, Jean Brassard à Jolicoeur le 30-09-1727. Notaire Dubreuil (# 2924)

8 Contrat de mariage notaire Dubreuil. 18 février 1727 (# 285)

9 Témoignage de Louis au procès de Léonard Dufour dit Prêt-à-Boire. Bibliothèque et archives nationales du Québec.

10 Le Recensement de Québec en 1744. Page 26.

11 Bordereau de la dépense faite à l'occasion du parti envoyé en guerre à l'Acadie, sous le commandement du sieur Marin de la Malgue tant à Québec avant son départ que dans le voyage jusqu'à l'Acadie. Correspondance générale. Canada. Série C11A. R11577-4-2-F.

12 Lessard, Rénald, Les Compagnies franches de la Marine à la fin du Régime français : une nouvelle base de données pour commémorer le 250e anniversaire de la Bataille de Sainte-Foy. Société de généalogie de Québec.

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